En cliquant sur les onglets ci-dessus, vous pourrez retrouver les souvenirs de la venue de Michel Butor à Mons-en-Barœul le samedi 5 mars 2011 (Le retour dans sa maison natale, l'hommage à la Maison Folie du Fort de Mons et des moments émouvants avec notamment un vivat flamand et la découverte de l'iPad lors d'un repas à l'Hamadryade de Villeneuve d'Ascq). Le samedi 5 mars après midi Michel Butor a inauguré au musée Sandelin à St Omer une exposition qui lui était consacré (onglet St Omer). Nous avons ajouté les émotions du 18 mai 2012 à Mons (restaurant du Fort, découverte de la bibliothèque et vernissage dans la salle d'exposition du fort) et le lendemain lors d'une visite privée au musée de la piscine de Roubaix et son intervention à la médiathèque l'Odyssée à Lomme. Merci au groupe des amis de Michel Butor qui a permis à Michel Butor de retrouver sa ville natale.

L'écrivain voyageur


Article paru dans La Voix du Nord sous la plume de Christian Canivez le 26 août 2016

Grand Monsieur de la littérature française, Michel Butor est décédé mercredi à 89 ans en Savoie, où il s’était retiré. Nous avions eu la chance de le rencontrer il y a quelques années à Mons-en-Barœul, où il était né, et revenait de temps à autre. Il nous avait raconté l’un des moments les plus marquants de sa vie.

Il s’est assis tranquillement et a commandé une bière. Fasciné par la cuve de brasseur aménagée où nous avions pris place, comme un vaisseau spatial posé dans cette grande brasserie lilloise. Ça lui plaisait bien les vaisseaux, à Michel Butor. Une invitation au voyage. Un appel aux souvenirs.

Vers l’Égypte

« J’ai envie de vous raconter une histoire », démarra-t-il, l’œil rieur, trempant ses lèvres dans la mousse d’une ambrée. On n’en attendait pas moins de lui. « C’était en 1950. J’étais jeune professeur, parfait inconnu, avec une sacrée envie de me promener. J’avais accepté pour un an un poste d’enseignant en Égypte. C’était la première fois que je quittais la France pour aussi longtemps. »

C’est ainsi que Michel Butor embarque à Marseille sur le André Lebon, paquebot assurant la liaison entre la France et « les Échelles du Levant », comme le rappelle notre homme avec poésie.

Le voyage s’effectue dans la promiscuité de la 4e classe. « Égyptiens ou Européens sans le sou, on voyageait dans la soute, dormant sur des lits superposés qui avaient été installés là durant la guerre, quand le bateau faisait transport de troupes. » Les repas sont pris en commun, et l’on s’autorise de temps à autre une sortie sur les ponts supérieurs, là où voyagent hommes d’affaires, archéologues et touristes fortunés. Au bout de quatre jours de mer, le jeune professeur débarque sur la terre des pharaons et grimpe dans un train direction Miniah, à 250 km au sud du Caire. Un poste d’enseignant l’y attend.

Dans les ruines de Karnak

« Après plusieurs mois passés à Miniah, je devais me rendre dans la préfecture de Louxor pour y faire passer des examens, une occasion pour moi de visiter les sites antiques.» C’est là, dans les ruines fantastiques de Karnak, qu’a lieu une étrange rencontre. « Le soir tombait, le paysage était extraordinaire. Et soudain j’entends “Monsieur Butor, Monsieur Butor”. Je me retourne et découvre un grand fellah en djellaba. Il s’approche. Je le reconnais. Il était dans la soute du paquebot, avec moi. Il était le domestique de l’archéologue français qui dirigeait les fouilles de Louxor. » L’homme lui propose de venir chez lui. « J’ai un trésor à vous montrer ». Le professeur le suit.

L’imagination du romancier sans doute a-t-elle travaillé à plein régime. Allait-il découvrir une antiquité fraîchement mise au jour ? Une pièce digne du musée du Caire ou du Louvre ? L’objet présenté dérouta le voyageur pour mieux le séduire. « J’avais devant moi un stéréoscope. Une boîte en bois avec deux oculaires et une molette qui faisait défiler des cartes postales. Et pas n’importe lesquelles : c’était des vues de Paris. Et je me retrouve ainsi à voir la place de la Concorde avec son obélisque, le frère jumeau de celui qui se trouvait à deux pas de nous. »


Le fellah avait ramené ce souvenir de Paris, où il avait accompagnés son maître archéologue.« Cela avait un côté surréaliste. J’étais comme dans un rêve. Charmé par ce personnage et son souvenir incroyable, un objet qu’il tenait véritablement pour un trésor. » Michel Butor quitte l’Égypte au bout d’un an, marqué à jamais.« Je n’y ai fait aucune photo. Je le regrette aujourd’hui. » À défaut de clichés, l’homme revient avec un recueil de poèmes, Dans la palmeraie égyptienne. Des années plus tard, Michel Butor retourne à plusieurs reprises le long du Nil. Il ne revit jamais le grand fellah de Louxor au mystérieux trésor.

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Article paru dans l'Est Républicain le vendredi 26 août 2016 sous la plume de Sophie Dougnac.


Michel Butor ne connaissait pas Montbéliard. Sa première visite dans la Cité des Princes, en mars dernier, à 89 ans, l’avait cependant enchanté. Au point que le maire de la ville, Marie-Noëlle Biguinet, qui lui avait organisé une petite réception, lui avait conseillé de revenir. L’écrivain, poète, romancier, figure de proue du Nouveau Roman et prix Renaudot en 1957, avait pris date pour les Lumières de Noël 2016.

Malheureusement, les flamboiements des festivités éclaireront la cité sans lui : Michel Butor est mort ce mercredi, à l’hôpital de Contamine-sur-Arve, en Haute-Savoie, où il résidait.

Sommité de la littérature, l’auteur de « La modification », « L’emploi du temps » ou encore « Degrés », avait été invité, en mars dernier donc, par Keiko Jimbo, professeur de japonais à l’UTBM de Belfort-Montbéliard. Et ce afin de parler « ouverture d’esprit » avec les étudiants.

Le quasi nonagénaire n’en manquait pas : ravi, selon des propres termes, de rencontrer des jeunes d’un institut de technologie, il en avait aussi profité pour se renseigner sur la région. « J’ai appris qu’il y avait un site préhistorique à proximité avec des galets fort mystérieux (NDLR : ceux de Rochedane à Villars-sous-Dampjoux) », confiait-il à l’époque. « C’était donc irrésistible pour moi ».


L’écrivain avait donc eu droit à une visite commentée et personnalisée (des exemplaires étant extraits des vitrines) du musée du Château. Sa soif de connaissances, alliée à une grande gentillesse, avait conquis ses interlocuteurs. Tout comme sa simplicité, assez éloignée de la complexité de ses livres et essais. Une œuvre aussi riche et diverse qu’érudite. Qui, comme les galets millénaires, va entrer dans l’histoire.