En cliquant sur les onglets ci-dessus, vous pourrez retrouver les souvenirs de la venue de Michel Butor à Mons-en-Barœul le samedi 5 mars 2011 (Le retour dans sa maison natale, l'hommage à la Maison Folie du Fort de Mons et des moments émouvants avec notamment un vivat flamand et la découverte de l'iPad lors d'un repas à l'Hamadryade de Villeneuve d'Ascq). Le samedi 5 mars après midi Michel Butor a inauguré au musée Sandelin à St Omer une exposition qui lui était consacré (onglet St Omer). Nous avons ajouté les émotions du 18 mai 2012 à Mons (restaurant du Fort, découverte de la bibliothèque et vernissage dans la salle d'exposition du fort) et le lendemain lors d'une visite privée au musée de la piscine de Roubaix et son intervention à la médiathèque l'Odyssée à Lomme. Merci au groupe des amis de Michel Butor qui a permis à Michel Butor de retrouver sa ville natale.

La grande armoire


Un enchantement !



La Grande Armoire

Michel Butor et Olivier Delhoume (photographies)


Extirpés du fouillis de l'armoire familiale, quelques objets, souvenirs anciens, héritages ou cadeaux des quatre coins du monde, nous sont présentés avec tendresse, érudition et malice par l'ami Butor. Collection hétéroclite et improbable, cabinet de curiosités, l'armoire de Butor a des airs de hotte du Père Noël...!
Quelle merveille !
Quel cadeau !
Quel régal !



La parution de ce livre était initialement prévue le 14 septembre 2016 à l'occasion du 90e anniversaire de Michel Butor qui nous a quittés le 24 août 2016. Ce volume retrace sa vie à travers des objets qu'il avait minutieusement choisis et pour lesquels il avait rédigé les notices. Depuis plus d'un an, les séances de prises de vues et de composition de l'ouvrage avaient été pour Michel Butor l'occasion de transmettre à Olivier Delhoume l'histoire de ses objets familiaux anciens et celle de ses souvenirs rapportés ou reçus des cinq continents. Après en avoir validé la mise en page, Michel se réjouissait de cette publication qu'il voyait comme un héritage à partager.

Elle existe bel et bien, et elle est très grande effectivement, cette armoire que Michel Butor a héritée de sa famille et qui l’a accompagné toute sa vie. Elle contient, accumulés en vrac depuis plusieurs générations, des objets de toute nature se rapportant à des époques, des personnes, des événements et des lieux qui ensemble constituent un trésor de mémoire.

Avec ce livre, qui présente une photographie et un commentaire pour chaque objet répertorié, Butor s’est livré; il a ouvert les portes et les tiroirs de cette armoire intime et exposé aux yeux du lecteur ce qui l’a relié au monde par son histoire familiale, par ses rencontres avec des amis, des artistes, des étudiants, par ses voyages, ses lectures, par ses propres écrits, etc. Il a effectué ainsi un retour sur lui-même dans lequel sa personne s’est confondue amoureusement avec les souvenirs évoqués par la magie des objets décrits au fil des pages.

C’est donc en poète que Michel Butor a effectué pour nous cette merveilleuse visite guidée de sa Grande Armoire. Mais c’est aussi le professeur bienveillant qui nous a adressé subtilement une ultime leçon : chacun d’entre nous n’a-t-il pas quelque part, ne serait-ce que dans son cœur ou dans son imaginaire, une armoire à explorer et à faire découvrir ?

Relié, couverture cartonnée
Edition Notari | 22 x 22 cm | 200 pages | € 34
EAN 978-2970106869 | ISBN 2970106868
Paru le 18 octobre 2016


Il conservait de vieux arcanes dans une armoire. Michel Butor voulait guider ses lecteurs dans un cabinet de curiosités intimiste.


Deux mois après sa mort à l’âge de 89 ans, Michel Butor resurgit via un livre illustré, coloré d’anciennes fragrances. Une découverte comme dans beaux vers de Rimbaud :

« C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants. »

Dans sa maison de Contamine-sur-Arve, en Haute-Savoie, s’érige un meuble plus imposant qu’un bahut. Une armoire normande compartimentée qu’il avait garnie d’objets hérités d’aïeules. Des médaillons daguerréotypés, des draperies pliées : une patine « vieille France » dont l’auteur de La modification ne voulait pas se dépoussiérer, alors qu’il voua ses écritures polymorphes aux miracles de la modernité. Il fut un des auteurs français le plus réceptif à d’autres cultures : son armoire conserve aussi une vertèbre de baleine inuit sculptée, un cageot de pommes « à chemise » trouvée à Prague, un récipient en fils électriques du Zimbabwe…


La visite de ce placard enchanté, commentée par Butor lui-même, devait paraître le 14 septembre 2016, mais il mourut peu avant. Or dans l’album illustré et posthume, que son ami et dépositaire Olivier Delhoume a parachevé tout seul, on respire un flot de vin vieux très rimbaldien.


Voyage dans la Grande Armoire

Souvent, dans les maisons de famille, règne une grande armoire. On la dit « normande » mais elle peut venir de bien des régions. Elle a voyagé de familles en villages et garde en mémoire bien des mystères. Sur ses étagères recouvertes d'un reste de coupon de toile de Jouy fanée : des objets, des linges au trait évaporé; des boîtes qui renferment leurs secrets et des fragments du monde.

Très haute, sombre et mystérieuse, on y cachait à l'arrière de l'étagère supérieure les cadeaux de Noël arrivés trop tôt dans la maison. Ces armoires ne sont pas des coffres forts, bien qu'elle conservent encore les restes d'un trousseau de grande valeur. Elles restent ouverte à ceux qui souhaitent  contrôler l'alignement des piles de draps et de linge, humer l'odeur de lavande de l'année dernière, se rappeler des souvenirs et, parfois, aux enfants qui s'y cachent à l'heure du dîner quand tout le monde les cherche.

Certaines de ces armoires accueillirent bien des fantômes, au dire d'enfants qui n'arrivaient pas à s'endormir, dans l'humidité des chambres à l'entre-solive défraîchi,. Le regard se promenait alors de poutre en poutre pour découvrir les motifs de la peinture écaillée sur le rouge des bardeaux.

La Grande Armoire recueille tout autant de souvenirs que ceux que nous nous sommes tissés et parfois inventés. Mais ces souvenirs pliés dans du papier de journal ou emballés dans la soie révèlent la vie d’un homme : écrivain-poète, artiste, professeur et ami. Ces objets hérités des anciens ou reçus par lui et son épouse Marie-Jo constituent un patrimoine rapporté des cinq continents. Faire sien ce long voyage et rêver d’escales improbables que nous n’aurions su aborder seul.

La Grande Armoire nous est offerte comme les clés nécessaires pour nous ouvrir à d’autres mondes. Ouvrons-la avec la fraîcheur du regard et l’impatience d’un enfant qui découvre ses cadeaux avant l’heure !

Olivier Delhoume, avril 2015






La Grande Armoire
pour Olivier Delhoume

J'ai l'impression de l'avoir toujours connue. Sans autre ornement que ses moulures, on l'appelait l'armoire normande. Elle est trop haute même si on démonte sa corniche, pour tenir dans un appartement habituel d'aujourd'hui. Quand ma famille s'est installée, en 1936, au 107 de la rue de Sèvres, en face de la rue Vaneau, à quelque distance de la fontaine du Fellah, au troisième étage - j'avais alors neuf ou dix ans - elle fut mise dans la chambre où les trois garçons couchaient ensemble. Il y en avait une autre pour les quatre filles. Elle contenait tout notre linge, tous nos habits, et je pense aussi tous les draps, les nappes et les serviettes de la maison.

Lorsque ma mère est morte en 1972, et qu'il a fallu vendre cet appartement, tous les objets à l'intérieur furent répartis entre nous sept. J'étais alors à Nice, nous venions de nous installer impasse de Terra Amata. La grande armoire me fut attribuée, sans doute parce que j'étais le seul à pouvoir l'accueillir. Heureusement elle se démonte.

C'est alors qu'elle est devenue le réceptacle des objets dont on ne savait que faire, mais que l'on désirait absolument garder, hérités de la famille, recueillis au cours de voyages ou offerts par des amis. Il y en a à peu près 500. On en a retenu 80. Beaucoup auraient fait double emploi, mais surtout nous avons retenu ceux sur lesquels je voyais immédiatement quelque chose à raconter. Elle est pleine à craquer. Tout est encastré l'un dans l'autre, et j'ai hésité à ressortir tel ou tel pour rédiger mes notices, tellement c'était redevenu difficile. Il y a cinq rayons et deux grands tiroirs sous le troisième.

Il ne s'agit donc nullement d'une collection, mais d'une accumulation, d'un humus, d'une fouille archéologique en désordre. C'est une sédimentation, mais les couches y ont été perpétuellement remuées par une sorte de tremblement de terre provoqué par les recherches successives dans le dessein de montrer tel ou tel objet. J'y ai pris quelques échantillons significatifs dans lesquels je me suis efforcé d'y mettre quelque classement. J'aurais pu en choisir d'autres qui m'auraient sans doute fait ressouvenir d'autres épisodes. Sans compter tout ce qu'il y a dans ma maison en dehors de cette grande armoire.

Après ma mort mes enfants et petits-enfants se répartiront à leur guise ces objets qui continueront leur voyage temporel, un peu éclairés, grâce à ces textes lors de leur escale dans la grande armoire.